Une chose que j'ai apprise de la vie et de ses rêves
Voyager en Afrique et vaincre ses peurs |
|
Par : P. |
|
RETOUR LISTE DES RECITS |

Juste après l'obtention de mon bac, ma mère me proposa un premier grand voyage, un long courrier. Elle connaissait mon goût pour l'Afrique, et on partit toutes les deux une petite quinzaine de jours en safari.
Le Kenya, en 1986, avait encore une odeur sauvage. Ce fut un émerveillement de tous les instants, les rencontres furent bonnes et solides, elles durèrent par la suite, ce qui est assez rare en voyage. La vie explosait, la mort, très présente, fertilisait la vie.
Ces collines vertes, ces lacs d'Eleimenta, de Nakuru bordés du rose des flamants, l'apparition magique d'un kobe avec ses longs bois, à la lisière de la forêt nappée de brume... ce ciel immense, pur bonheur.
Cinq années plus tard, je repartais au Kenya chez l'ami rencontré lors du premier voyage. Cinq années et le pays avait déjà changé, il me semble qu'il avait perdu de sa grâce romantique, mais c'est au cours de ce séjour que la bascule opéra.
En Tanzanie, j'eus la chance de faire une rencontre marquante : Carolyn Roumeguère Eberhardt avait grandi dans les terrains de jeu de la brousse, entre sa mère, l'anthropologue Jacqueline Roumeguère, son beau-père Masaï, sa sœur, son frère et les nombreuses autres épouses de son père adoptif. L'arrière grande-tante de Carolyn (mais je ne suis plus sûre de la parenté exacte), la romancière Isabelle Eberhardt, avait sans doute insufflé à cette famille un goût prononcé pour l'aventure.
A ce contact et dans ce contexte peuplé de prestigieux fantômes, j'appris une chose qui est restée essentielle à mon âme et qui m'inspire jusqu'à ce jour. Une chose très simple finalement : ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, c'est la peur.
Nous savons bien que la vie apporte ses malheurs et ses chances, qu'aujourd'hui nous sommes là, que demain nous ne sommes plus là. Depuis, j'essaie de ne pas oublier. Bien sûr, il m'arrive d'avoir peur. Parfois, je ne me rends même pas compte que j'ai peur. Et hélas, beaucoup de sociétés, et la nôtre n'est pas en reste, nous socialisent dans la peur. On ne saurait le dire mieux que Nietzsche qui a écrit un jour quelque chose dans ce genre : « Qu'est-ce que la vie, si ce n'est le OUI de l'enfance ? ».
Je crois que si je rêvais de ces paysages somptueux dans mon enfance, c'est parce qu'au fond j'attendais qu'un jour on me délivre ce message. Reçu 5 sur 5. Non que j'y pense chaque jour, il n'y a aucun mantra rituel là-dedans. C'est plutôt inscrit dans les cellules, dans la boite noire, j'y puise ma source. Et ça, ça a vraiment changé ma vie.
P.